Voyage en Auvergne

auvergne

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EN AUVERGNE
SUR LA PISTE DE LOUIS XVII
24, 25 et 26 Juin 1994

Jocelyne PIERRARD

JOURNÉE DU 24 JUIN

La journée du 24 Juin a été consacrée à l’aventure d’Alexis Morin de Guérivière.

RAPPEL HISTORIQUE

On se souvient qu’Alexis était le fils d’Arnould Morin de Guérivière, Secrétaire Greffier de la Section Bonne-Nouvelle sous la Révolution.

Arnould était très lié avec le général La Poype, commandant de la garnison de Lyon, beau-frère du conventionnel Fréron, ami du marquis de Fenoyl et ami de Barras dont le secrétaire Botot fera nommer Laurent gardien du Dauphin au Temple.

Alexis était né en 1779. Il avait donc 16 ans, lorsque le 7 Juin 1795, le voiturier Génès Ojardias, l’emmena de Paris en Auvergne.
Dans ses mémoires, rédigées en 1832, longtemps après son aventure, Alexis raconte que son départ ressemblait à un enlèvement préparé par son père, à l’insu de sa mère qui, d’après lui, en mourut de chagrin.

Les deux voyageurs, dans leur berline tirée par quatre chevaux, partirent de l’Hôtel de France, rue Bourbon Villeneuve, et traversèrent de nuit, la forêt de Fontainebleau.
Au cours du voyage, le voiturier eut l’occasion de donner du bâton au postillon d’une chaise de poste qui avait commis l’impolitesse de le dépasser.

C’est à Moulins, que Génès et Alexis apprirent la mort du petit Dauphin au Temple.
Ils traversèrent ensuite le Bourbonnais, dormirent à Chateldon, puis arrivèrent enfin dans la ville de Thiers. Ojardias déposa Alexis chez Monsieur Barge-Béal, puis continua sa route vers Lyon.

L’AUBERGE DE LA MÈRE DEPALLE

C’est donc à Thiers que nous sommes venus à la rencontre du passé, deux siècles après. Il faisait chaud, très chaud en ce vingt quatre vingt Juin de l’an mille neuf cent quatre vingt quatorze.
Nous sommes tous arrivés à l’heure, et même en avance ; venant de Paris, de l’Aveyron, des Bouches du Rhône, Loiret, Puy de Dôme et Rhône, ravis de se revoir ou de se connaître. Nous avions rendez-vous à l’Auberge de la Mère Depalle, à Pont-de-Dore sur la route départementale 906, en contre bas de Thiers. C’était un vendredi.

Tout a commencé par un convivial déjeuner. L’adresse était bonne, tant pour son cadre que pour l’agrément de sa table.

Monsieur Bancel nous a annoncé la prochaine parution du livre du Jean Pascal Romain “Louis 17, Roi de Thermidor”. Cette parution était très attendue et sera fort appréciée des passionnés d’histoire. Notre aimable collectionneur a aussi fait circuler parmi les convives, un joli portrait inédit du petit roi. Mon voisin, le chauffeur du car, Martiniquais d’origine, pas très amateur d’histoire au début du voyage, mais, intrigué par notre enthousiasme, nous a écoutés, puis questionnés et s’est laissé petit à petit contaminer par la passion qui nous rassemble.

Pendant ce temps, notre Président, animait l’assemblée aux côtés de maître Chassaignes, un descendant de Barge-Béal. Maître Chassaignes fut ensuite, l’après-midi durant, notre guide.

LES RUES DE THIERS

Nous sommes montés à Thiers, en car, puis à pied. La chaleur était au plus fort, mais qu’importe.
Thiers, 15400 habitants, est la Sous-préfecture du Puy-de-Dôme. Bâtie sur un éperon rocheux, elle domine de 424 mètres, les gorges de la Durolle et la plaine de la Limagne. On aperçoit la chaîne, des Mont Dore et les rochers déchiquetés des Margerides. Les rues sont étroites et pentues. La circulation en voiture semble tout à fait angoissante pour les usagers des routes, en plat pays. Il faut veiller à la fiabilité des freins et bien connaître la technique du démarrage en côte !! Mais comment décrire le charme des vieilles façades, quand on parcourt à pied les petites ruelles médiévales d’antan.

Maître Chassaignes nous a conduits au Château du Piron, superbe maison à colombages du XV° siècle, là où se tient l’office du tourisme. Nous sommes passés devant la Maison de l’Homme des Bois, personnage emblématique et mystérieux en bois sculpté, avant d’aller visiter l’église Saint-Génés. Saint Génès, patron d’Ojardias bien sûr !

L’ÉGLISE SAINT-GÉNÈS

Le Curé de ce lieu nous a offert le bulletin paroissial dont sont extraits les renseignements suivants :

Génès était un jeune martyr fêté chaque 28 Octobre. Saint Avit, Évêque de Clermont, fonda la première église, en 575, après la découverte miraculeuse du tombeau de Génès. L’édifice actuel date du XI° siècle. Il a été pris par les Huguenots en 1568. Le clocher qui surmontait la croisée du transept, disparut à cette occasion. Elle fut cependant sauvée par un marchand de Thiers qui acheta le départ des protestants. Des chapelles latérales de style gothique ont été édifiées aux XVI° et XVII° siècles, afin d’agrandir l’église au service d’une population croissant au rythme de son activité économique :

“La plus ancienne chapelle, exception faite des deux absidioles qui prolongent les nefs latérales, est située au bout de la partie nord du transept. Elle est remarquable par la qualité de ses sculptures et son aspect élancé. Les médaillons de la voûte représentent les quatre évangélistes et les quatre vertus cardinales. La clé de voûte porte les armoiries de la famille qui l’a fait édifier. Une peinture endommagée, orne le dessus de l’autel. Elle représente le couronnement de la vierge et rappelle le passage des Huguenots. Les trois autres chapelles furent construites dans la première moitié du XVII° siècle. Les chanoines imposèrent aux constructeurs une unité de style afin de ne pas déparer l’ordonnance de l’église. Deux chapelles situées dans la partie Sud de l’église furent édifiées en “pierre de Ravel”. La troisième, dite chapelle du Saint Sacrement a été décorée au XVIII° siècle de boiseries. Son autel monumental est l’œuvre d’un sculpteur local, Gilles Buchot. Il est de style baroque. Les deux statues qui l’entourent sont celles de Saint Génès qui porte la palme du martyr et de Saint-Étienne de Muret, Baron de Thiers et fondateur de l’ordre de grand mont”.

L’effondrement d’un pilier au XVIII° siècle nécessita de grosses réparations. Pendant la Révolution, le mobilier de l’église a été dispersé. Mais – et c’est intéressant et peut-être révélateur de la mentalité des habitants de cette époque – l’édifice n’a pas été altéré. Au XIX° Siècle, malheureusement le porche couvert de la façade ouest a été supprimé. On imagine combien l’entrée de cette église devait être imposante avec une succession de paliers en marches d’escaliers “de nouvelles orgues furent construites entre 1853 et 1863”. Ces travaux permirent la mise à jour des mosaïques qui pavaient, jadis, cette église à 60 cm en dessous du niveau actuel.

Durant la dernière décennie des travaux de restauration ont été rendus nécessaires mais ils semblent encore insuffisants. Ce qui est remarquable, est que cette église romane, possède la plus grande coupole de la région, avec une surface de 100 m. La largeur de la nef principale est, elle aussi, imposante avec ses 9,50 mètres.

LA MAISON DES COUTELIERS

La visite suivante était d’un tout autre registre : Après l’art religieux, l’art populaire qui s’est développé à Thiers depuis cinq siècles.

À Thiers, la visite du musée de la Coutellerie est incontournable. Toutes les vitrines de la ville offrent d’ailleurs une variété incroyable de ces objets, de toutes formes, dimensions, et matières.

La maison des couteliers nous fait connaître tout d’abord grâce à un film, les anciens métiers d’émouleur, façonneur, monteurs et polisseurs. Admirables vieux métiers d’antan, que ce musée dévalorise un peu en insistant sur les grèves du vingtième siècle. (Opinion tout à fait personnelle bien sûr !).

La multitude des opérations nécessaires à la fabrication d’un couteau est tout à fait surprenante. L’image la plus saisissante est sans doute celle de l’ouvrier travaillant en position allongée, son chien dormant sur ses jambes et lui servant de bouillotte.

Les objets, du simple capucin de berger au bijou d’or et de nacre, sont bien présentés. On peut voir un couteau offert par le Roi Louis XVI, délicatement ouvragé et dont le manche est un petit coffret contenant quantité d’instruments miniature. Mais les dames, elles, ont été conquises par d’adorables petits ciseaux de dentellières.

Nous n’avons pas eu le temps d’aller dans les ateliers de fabrication.

LA MAISON DE BARGE-BÉAL

Puis, nous sommes repartis à la recherche du passé, avec Maître Chassaignes. La Maison de Monsieur Barge-Béal est un bel immeuble cossu, à l’angle des rues Durolle et Alexandre-Dumas, à quelques pas de la maison des 7 pêchés capitaux.

Nous ne sommes pas entrés, mais notre guide nous a indiqué que de cette époque subsistent encore quelques pièces de mobilier, canapés et fauteuils.

C’est donc là qu’Ojardias déposa le jeune Alexis en Juin 1795.

Monsieur Barge-Béal était un fabricant de papier. Il possédait, outre l’immeuble de Thiers, un domaine à la campagne, Les Béreaux.

LES BÉREAUX

Maître Chassaignes nous a emmenés aux Béreaux, comme Barge-Béal avait emmené Alexis, lorsque des commissaires du gouvernement lui demandèrent de lui présenter l’adolescent pour l’interroger.
Nous avons été impressionnés par les Béreaux.

D’abord parce que l’accès avec un car représente une inquiétante aventure, pas pour notre chauffeur qui prétendait qu’à la Martinique les routes étaient tout autant étroites, tortueuses et abruptes.
Ensuite, par la qualité esthétique des lieux, portail arrondi, hauts murs de pierre, et pigeonnier de forme carré, ce qui indique l’importance de son propriétaire au siècle des privilèges, vue dominante sur la vallée, beauté de la demeure.

Enfin parce que tout est religieusement conservé en l’état, depuis deux siècles.

Seul un bâtiment, peut-être une grange, a été supprimé, parce qu’il cachait la vue panoramique. Le drame, est qu’un certain poirier qui s y appuyait en est mort. Ce poirier était “le poirier du Dauphin”.
L’intérieur de la maison est rustique, superbe, les murs sont en pierres apparentes, poutres lourdes, portes de chêne massif, tapisserie datée de 1540, cheminée où l’on pouvait s’asseoir, collections d’objets ruraux. Il y fait bien frais en été. L’une des pièces du rez-de-chaussée sert de musée.

Maître Chassaignes nous a fait la grâce de découvrir les souvenirs de son ancêtre, entre autre, son portefeuille. Le maître de céans devait avoir été fidèle au Roi, ainsi qu’en témoigne l’abondante collection de petits médaillons représentant la famille royale, gravures séditieuse, testament du Roi écrit sur de la soie.

Un grand portrait de Barge-Béal et de sa femme, nous permet de l’imaginer.
Il n’était pas bel homme, plutôt imbu de sa personne, et autoritaire. Elle n’était guère souriante, ni gracieuse.

Mais ils ont protégé Alexis et même cru qu’il était le Dauphin.

Les commissaires, donc, interrogèrent Alexis. Monsieur Chassaignes nous a lu ce passage des Mémoires qu’il possède en photocopie :

– D’où venez-vous ?
– Je viens de Paris.

– Votre père existe-t-il encore ?
– Oui, Monsieur.
– Quelle est sa profession ?
– Il est greffier à la Section Bonne Nouvelle.
– Que fait à Paris l’individu qui vous a conduit ici ?
– Je n’en sais rien.
– Connaît-il votre père ?
– Sans doute, puisqu’il m’a emmené de la maison.
– On dit que ce Monsieur est parti pour Lyon. Savez-vous ce qu’il y est allé faire ?
– Je l’ignore.
– Vous avez probablement des papiers sur vous ?
– Oui, Monsieur.
– Je lui présentai un petit portefeuille contenant un passeport, le commissaire le lut plusieurs fois d’un air un peu incrédule, et finit par me dire en souriant :
– Il est parfaitement en règle ce passeport.
– Je le crois bien, Monsieur, lui répondis-je naïvement, c’est mon papa qui l’a fait”.

C’était d’ailleurs parfaitement normal, puisqu’une des fonctions d’Arnould Morin de Guérivière était précisément de délivrer des passeports pour voyager dans tout le territoire. Les commissaires décidèrent d’arrêter Alexis el de l’emmener à Clermont-Ferrand, ce que voyant, Barge-Béal les menaça de ses deux revolvers, que possède Monsieur Chassaignes aujourd’hui. Il fut finalement décidé qu’Alexis serait arrêté, mais … confié à la garde de Monsieur Barge et sous sa responsabilité, dans sa demeure des Béreaux.

Ceci fait, Barge-Béal fit prévenir Ojardias à Lyon. Alexis séjourna pendant deux ans aux Béreaux. Sa chambre était au deuxième étage face à l’escalier. Quelques uns d’entre nous ont pu la visiter ; pas tous, par discrétion. Le culte du souvenir est respecté par la famille actuelle. Les lourds volets fermés ont permis de conserver intacts, dans la fraîcheur de leur coloris d’origine, les papiers peints des murs. On y reconnaît les aigles de la Reine Marie-Antoinette. Un détail architectural remarquable : sous chaque fenêtre des chambres, sont aménagées des tables, qui, une fois repliées constituent des lambris. C’était là une ingénieuse manière d’économiser de la place et aussi du mobilier.

SUITE DU RAPPEL HISTORIQUE

Donc, Barge-Béal fait prévenir Ojardias. Celui-ci revient à Thiers, le 3 Juillet ; charge à lui de faire lever l’ordre d’arrestation concernant Alexis.

Pour ce faire, il va s’expliquer devant Chazal, représentant du peuple, délégué par la Convention nationale et qui se trouvait dans la ville du Puy. Le 10 Juillet, Chazal fait libérer l’adolescent et lève les ordres restreignant la liberté d’Ojardias.

La conséquence fut qu’Alexis se promena à son gré, dans les rues de Thiers et que pendant deux ans, il fut salué, malgré lui, comme étant le Dauphin : Voilà le Dauphi … Voilà le Dauphi … Voilà le Dauphi …
Lui qui ne prétendait à rien, ne demandait rien. Devenu orphelin par cette aventure et qui, plus tard, se ralliera au Baron de Richemont.

J’aime bien ce personnage, tellement différent de la cohorte des faux dauphins. Lui seul, est simple, authentique, limpide comme une rivière … Alexis Morin de Guérivière …
Il sera ramené à Paris chez son père par Monsieur Barge-Béal fils, non sans avoir appris le métier de papetier.

Plus tard il inventera et commercialisera de jolies boîtes de carton ornées de motifs en relief doré, qui furent à la mode au XIX° siècle. Il ne saura jamais le motif de son voyage en Auvergne. Était-ce en raison d’une fragile santé ?

Il est vrai qu’il se décrivait lui-même si chétif qu’on put le prendre pour un enfant de dix ans ! Mais il dit aussi qu’il ressemblait au Dauphin, ce qui accréditerait la thèse d’un leurre lancé sur les routes de France, dans le même temps où un arrêté du gouvernement ordonnait – à ce que l’on dit – de chercher le Dauphin fugitif avant qu’il ne passe la frontière.

A regret nous quittons son souvenir : le poirier du Dauphin n’est plus.

LA DEMEURE D’OJARDIAS

Nous sommes passés devant la demeure d’Ojardias avec son porche arrondi, donnant sur la rue.
Génès Ojardias est né à Thiers en 1761. Il fut voiturier à Lyon, puis à Paris en 1791. À la mort de son père en 1793, les biens de la famille ont été mis sous séquestre.

N’oublions pas que c’est pour se faire rayer de la liste des émigrés qu’il est revenu à Thiers, deux ans après.

C’est lui qui a déménagé le Savetier Simon, précepteur du Dauphin, et sa femme, le 19 Janvier 1794. Monsieur Étienne pense qu’il avait sympathisé avec le couple, du fait que la mère d’Ojardias s’appelait, elle aussi, Jeanne Simon ; simple coïncidence, d’ailleurs puisqu’ils n’avaient, entre eux, aucun lien de parenté …

Mais nous retrouverons Ojardias plus loin.

CHEZ MAITRE CHASSAIGNES

Comme il continuait à faire très chaud – Merci Madame Degiorgis pour les framboises de votre jardin – Maître Chassaignes nous a invités dans sa demeure. Nous n’avions qu’un désir : de l’eau fraîche avec des glaçons, beaucoup d’eau fraîche, beaucoup de glaçons.

Nous tenons à remercier nos hôtes, au nom du Cercle, pour nous avoir accueillis avec une si charmante simplicité, en ce vingt quatre Juin.

LA CHAUMIERE RELAI DE LA GELINOTTE

En soirée, devant l’Auberge de la mère Depalle, nous avons repris nos véhicules et suivi le car jusqu’à Ambert. Votre chauffeur roulait bien, mais vite, Monsieur le Président ! Madame du Fenoyl est celle qui a le mieux réussi à vous suivre pendant les 50 kilomètres qui nous séparaient de notre hôtel. Il était tard. Monsieur Hamann nous a octroyé cinq minutes, pas plus, afin de prendre possession de nos chambres et nous préparer pour le dîner à La Chaumière. Il a réparti ses invités autour d’une grande et belle table.

Monsieur Autruc, l’homme qui sait tout, dixit notre Président, était venu nous rejoindre ainsi que son épouse. Jean-Claude Autruc est l’auteur d’un ouvrage, “Il était une fois la Révolution … aux limites Forez, Auvergne, Velay”. Que nous aimerions voir rééditer, et d’une plaquette sur les “Promenades insolites aux limites Forez- Velay-Auvergne”. Que l’on peut se procurer à Apinac 42550.

C’est avec lui, avec Monsieur Étienne et un de ses collaborateurs que nous allons partir, maintenant, sur une autre piste auvergnate.

JOURNÉE DU 25 JUIN

Il est neuf heures.
Nous sommes tous prêts pour la journée sportive annoncée par Jean-Claude Autruc. C’est heureux qu’il fasse moins chaud qu’hier.

RAPPEL HISTORIQUE

A la suite d’une émission télévisée, en 1971, Alain Decaux reçut une lettre de Madame Michel, née Chomette pour lui faire part d’une tradition de sa famille : le procureur Chaumette aurait réussi l’évasion du Dauphin et l’aurait fait conduire à Viverols au Domaine de la Gaillarderie.
Sur les instances d’un ami de Monsieur Decaux, Maurice Étienne a effectué des recherches dans cette région.

On connait le génie de Monsieur Étienne pour reconstituer la généalogie de tous les personnages relatifs à la question Louis XVII. Il suffit de nommer l’un d’eux et il sort de sa poche une fiche récapitulative complète sur le personnage, son conjoint, ses ascendants, ses descendants etc. … etc. …

Il raconte dans son livre, les détails de l’enquête à Viverols, Saint Pal en Chalencon (Surtout ne pas ajouter de cédille les autochtones n’apprécient pas), et Églisolles. Un habitant d’Églisolles, Monsieur Viallard, lui montra trois lettres envoyées par un colon du Maroc, Monsieur de Rancourt de Mimerand, entre 1939 et 1940.

Monsieur de Rancourt s’intéressait à la naissance d’un certain Blaise Chomette en 1797. Un ami lui avait en effet parlé de la ressemblance physique d’un commandant de cavalerie, Marius Chomette, avec le Roi Louis XVI. L’officier, lui, ne s’étonnait pas et déclarait :

« Je ressemble à Louis XVI car il est de tradition dans ma famille que Louis XVII sorti du Temple au temps où Chaumette était tout puissant à la commune, aurait été recueilli par la famille de ce dernier et aurait épousé, légalement ou non sa fille ou sa nièce … ».

Or, Marius Chomette et Madame Michel avaient le même ascendant : Blaise Chomette.
Monsieur Étienne fit la généalogie de la famille Chomette et montra qu’elle n’avait aucun lien avec celle du procureur Chaumette, originaire, lui, de Nevers.

On a retrouvé trace des Chomette sous François Ier. Ils ont essaimé ensuite dans la région de Clément de Valorgue, puis à La Grange, hameau de la commune d’Églisolles.

LA GRANGE

Nous sommes allés jusqu’à la ferme de La Grange.
Le hameau est situé à 1000 mètres d’altitude dons les Monts du Forez. On y accède par une longue route forestière bordée de myrtilles et de hautes digitales mauves.

Le car nous a menés au plus près, ensuite, nous avons suivi un sentier invisible au milieu des pensées sauvages et de grosses pierres amoncelées. Nous avons été très surpris, car c’était vraiment un hameau perdu, aux confins de la campagne française. Un petit îlot jadis cultivé, aujourd’hui en friche, mais pas tout à fait abandonné puisque nous avons trouvé, non pas la ruine, dont la photo est publiée dans Historama Spécial (page 78), mais une petite maison en cours de restauration. La toiture est refaite, les murs reconstruits avec des ouvertures voûtées, qui laissent sceptique Monsieur Autruc mais offrent, vues de l’intérieur, de jolies perspectives arrondies sur une nature très verdoyante en ce mois de Juin. Le dedans est un chantier assez désordonné, mais on peut remarquer une très belle cheminée rustique (insolite, la paire de baskets posée sur le dessus !) et une pierre représentant une fleur de lys.
C’est donc là, qu’est né Blaise Chomette le 4 Floréal an V – 23 avril 1797 -.

SUITE DU RAPPEL HISTORIQUE

La famille Chomette était d’origine modeste, plus catholique pratiquante et royaliste que révolutionnaire. Il faut souligner d’ailleurs que les églises de la région étaient restées ouvertes. Par exemple l’Abbé Conet circulait librement à Saillant, à côté d’Églisolles, au vu et au su de tout le monde. Les curés ont parfois continué à tenir les registres d’État Civil au lieu des municipalités, mais il y eut une période de flottement qui peut rendre aléatoires les recherches.

Donc, Jean-Baptiste Chomette et Marianne Ducay eurent dix enfants, parmi lesquels Jacques (né en 1780), Blaise (né le 7 Février 1785, soit un mois et demi avant le Dauphin) et Blaise dont l’acte de naissance du 4 floréal an V (voir “La presse et Louis XVII” -tome III page 109), a attiré l’attention de Monsieur de Rancourt et à sa suite, de Monsieur Étienne.

Il comporte en effet une anomalie, puisque le témoin n’est autre que le frère ainé Blaise – frère aîné, mais mineur- auquel, de plus, est attribué l’âge erroné de 14 ans.

Peut-on admettre, comme le suppose Monsieur Autruc, la complaisance d’un officier d’État Civil royaliste ? Blaise Ainé était-il Louis XVII ? Mais alors, que serait devenu le vrai Blaise et comment se fait-il que la tradition de la survivance nous soit parvenue, non pas par ses descendants, mais par celle du second Blaise, alors que celui-ci avait 12 ans de plus de Louis XVII ?

Monsieur Étienne, nous a signalé une autre anomalie d’État Civil, concernant un fils de Blaise : Jacques Léon Chomette, déclaré décédé à l’âge de 3 ans et 6 mois alors qu’il s’est marié et eut à son tour quatre enfants !

Jacques et Blaise ainé se sont mariés l’un en 1807, l’autre en 1809.

LA GAILLARDERIE

En 1813, ils achètent ensemble le domaine de La Gaillarderie à Viverols.

Nous y sommes allés. Là aussi, il s’agit d’une jolie propriété rustique, située près de Viverols. Au loin, on aperçoit les ruines du château et ses environs.

Une très jeune femme brossait un cheval. Nous ne l’avons pas dérangée, d’ailleurs les explications de nos accompagnateurs nous captivaient :
La Gaillarderie fut achetée à un juge du tribunal d’Ambert, Claude Calmard, devant Maître Gimel, notaire à Viverols et cousin du baron Tardif. On ne sut pas expliquer l’origine d’un enrichissement qui durera jusqu’en 1851 ; mais Monsieur Étienne se plaît à faire remarquer la coïncidence entre cette date et celle de la mort de la Duchesse d’Angoulême.

Blaise le jeune vint habiter avec ses ainés. Il fut peigneur de chanvre puis voiturier comme Ojardias. Il se maria une première fois en 1826 …

LA MAISON DU DAUPHIN A VIVEROLS

… Et vint habiter dans Viverols une petite maison signalée, aujourd’hui, pour les touristes, comme étant la “maison du Dauphin”.

Veuf assez tôt, il se remaria avec Marianne Machebœuf. Ils eurent cinq enfants : Marius Chomette et Madame Michel descendaient de l’un d’entre eux.

… Le cinéaste René Clair est lui aussi un Chomette.

OÙ L’ON RETROUVE OJARDIAS : DE LA LÉGENDE A LA RÉALITE

En 1942, dans la revue Terroirs, paraît un article de Monsieur Boudon-Lashermes – sous le nom de Pierre Denurols “L’évasion de Louis XVII d’après la tradition vellave” (voir La Presse et Louis XVII Tome III).

Dans cette hypothèse, Ojardias emmène de Paris le petit roi. A Saint Pal en Chalecon, où le marquis de Fenoyl a préparé une retraite sûre, il est poursuivi par le citoyen Granet de Viverols ; il fuit à Montchany, à la Faye, aux Rois, remonte vers Apinac, se fait arrêter à Thiers avec l’enfant.
Le représentant du peuple Chazal les fait libérer etc. …

Jean Granet était juge, de paix et notaire à Viverols. Il passait pour révolutionnaire. Sa maison, sur la place de Viverols est aujourd’hui désertée. Nous avons essayé d’entrevoir l’intérieur par les fenêtres. Rien : il n’y a plus rien. Elle avait été bâtie avant la Révolution.

Monsieur Autruc nous a expliqué que des maquisards royalistes, les Compagnons de la Ganse Blanche, étaient venus l’assiéger, un soir, sans essayer de tuer son propriétaire.

Hector Granet son petit fils était un aimable original, vivant entouré de chats. C’était un historien local qui a servi de guide à Napoléon III lorsque celui-ci s’était rendu à Gergovie. Il a écrit l”Histoire du bassin de l’Ance”, sur laquelle on a beaucoup fantasmé en croyant que le secret de Louis XVII y était révélé.
Jean-Claude Autruc a pu consulter ce document calligraphié, jamais publié, il n’y a trouvé aucune révélation.

Hector Granet a construit en 1860, avec les pierres du château de Viverols, une extravagante bâtisse à tour crénelée qu’il n’habita jamais. C’était un musée qu’il faisait volontiers visiter.
Henri Pourrat, l’auteur de “Gaspard des Montagnes” a raconté, en 1912, une journée passée avec Hector Granet.

Monsieur Autruc nous a guidés par un sentier envahi de ronces, vers l’intérieur de la tour. Aujourd’hui, on ne devine même plus le vitrail à fleurs de Lys, décrit par Henri Pourrat. Tout est pillé, saccagé. Seule, une imposante cheminée provenant du château de Viverols et tout à côté, une ravissante petite niche, permettent à l’imaginaire de reconstruire la splendeur passée.

Nous avons pu, avec toute la prudence possible, gravir un étroit escalier qui ne mène nulle part.
A l’extérieur, un mur de pierre et de broussailles nous séparait du mausolée où reposent Hector Granet, son père et sa mère. Son père, mort en 1886 a été conservé dans un bac plein d’alcool. On raconte qu’Hector faisait jouer de l’accordéon devant la dépouille d’Isidore Granet dont les cheveux et la barbe continuaient à pousser. Hector fit embaumer sa mère et demanda qu’il en fût de même pour lui. Le mausolée est oublié et muré pour toujours.
Au loin, on aperçoit le cimetière de Viverols. Pour avoir l’autorisation de sa sépulture privée, Hector avait négocié – si j’ai bien compris – avec la municipalité, une bande de son terrain.
Tout appartient à une demoiselle Granet actuellement à l’hospice et qui ne laissera aucun héritier de ce nom.
Un frère de Jean Granet, Pierre, était l’intendant des domaines du marquis de Fenoyl.
L’actuelle marquise qui nous accompagnait dans ce voyage, a retrouvé dans ses archives une lettre, du marquis, son ancêtre, adressé à Pierre Granet et lui demandant de se rendre à Lyon pour traiter d’une affaire de chevaux avec Reverchon.

F Reverchon, celui qui accompagnait Goupilleau de Fontenay dans la nuit du 7 Brumaire An III (28 Octobre 1794) lors d’une inspection aussi soudaine que brève, dans la prison du Temple.
F Et celui-là même qui participa à la très célèbre visite à Louis XVII, le 19 Décembre 1794 (29 frimaire an III) avec Mathieu et Harmand de la Meuse.

On peut lire sur la tombe de la famille Reverchon : “Seigneur, priez pour nous”.

UNE AUBERGE DU TERROIR

A l’heure du déjeuner, nous sommes arrivés dans une auberge toute fleurie.
A l’entrée, nous nous sommes arrêtés devant des hortensias dont les fleurs étaient d’une grosseur extraordinaire. L’intérieur est boisé, très rustique et odorant, décoré sur le thème des métiers de la terre.
On nous a servi des salades paysannes aux herbes aromatiques, à tourner soi-même, puis une fondue à la Fourme d’Ambert.

On vous apporte de belles tranches de jambon d’Auvergne, un petit sac de toile de jute pour chaque convive, contenant, Oh surprise ! trois pommes de terre chaudes et une fourchette en forme de trident. On pèle soi-même la pomme de terre en se brûlant un peu les doigts.

Le fromage se présente comme un cylindre d’une quinzaine de centimètres de diamètre. La croûte forme un récipient fragile dont le contenu est fondu comme une crème. Chacun y puise à la petite cuillère. Le mélange jambon/pomme de terre/fromage chaud, est délicieux. Les vins qui accompagnent le sont aussi.
Mais il n’y avait pas que les nourritures terrestres ! l fallait entendre s’affronter nos deux compères Messieurs Bancel et Étienne, complices et ennemis, pas question que l’un abandonne le dernier mot à l’autre ….

Allez donc vous faire une idée de la question Louis XVII après ça.

L’un est chercheur, pas historien, c’est lui qui le dit ; l’autre est un missionnaire de la survivance naundorffiste jusqu’au jour où Monsieur Étienne lui découvrira un ancêtre au sang bleu … alors “fouette cocher !! … “.

Pardon, Monsieur Bancel pour mon impertinence, mais je sais que l’humour ne vous déplaît pas !

MISE AU POINT PAR JEAN-CLAUDE AUTRUC ET MAURICE ÉTIENNE

Avant de poursuivre notre voyage, il devenait urgent de disposer d’un cadre théorique pour classer les informations qui nous étaient données, concernant les pistes auvergnates.
Je résume Monsieur Autruc :

I. La Piste de Thiers

Cette première piste doit être abandonnée. Alexis Morin de Guérivière est un faux Dauphin, il n’a jamais prétendu le contraire. On peut le considérer comme un Leurre.

II. La Piste Paysanne

C’est la piste de la Gaillarderie en passant par La Grange.
Il existait dans la région des communautés paysannes. On peut citer par exemple, la famille Calmard qui a vendu La Gaillarderie aux Chomette. Selon cette hypothèse, Louis XVII arrive en Auvergne, vit dans l’ombre de Blaise Chomette pendant un certain temps, il se marie, se remarie, “fait souche dans le pays” et meurt à Bouteyras. On le surnommait “nez tors” (nez bourbonnien ?).

III. La Piste Noble

Une autre tradition veut que Louis XVII ait été caché à l’Ermitage de Chaumont, commune de Boisset en 1795.
Rien n’empêche d’imaginer qu’il réapparait deux ans après sous le nom de Blaise Chomette car Messieurs Autruc et Étienne pensent que les deux pistes se rejoignent, avec Ojardias comme dénominateur commun.
Que se passait-il donc dans la région à l’époque qui nous intéresse ?

A/ Des maquis royalistes s’étaient constitués.

  • L’un d’eux vers Bois le Roi, à La Chaulme, entre Saillant et Églisolles, dans un forêt achetée par le Roi de France et dont les sapins étaient destinés à la marine de l’époque (le saviez-vous ? si loin des côtes de notre royaume !).
    Ce maquis était celui des Compagnons de la Ganse Blanche. Il regroupait une centaine d’hommes. Ce sont eux qui ont chahuté le citoyen Granet à Viverols ; ce sont eux qu’Ojardias rejoignit après avoir rencontré Chazal au lieu de remonter vers Paris ; c’est avec eux qu’il assiège une perception, coupe l’arbre de la liberté à Thiers, et chante “le réveil du peuple” hymne contre révolutionnaire.
    Mais en 1801, les compagnons de la Ganse Blanche le tuent, le jettent dans un étang proche de Viverols qui a été comblé au XIX° siècle.
    Son frère Amable disparaît mystérieusement l’année suivante. Un autre de ses frères était prêtre réfractaire. Voilà pour Ojardias.
  • Un autre maquis royaliste campait entre Saint Pal en Chalencon et Boisset avec le marquis de Surville.
    Il était le dernier chef officiel envoyé par les Princes Émigrés, afin de regrouper les diverses bandes de maquisard. Il échoue, se fait prendre avec trois comparses dans une grotte refuge, est emprisonné à Craponne dans le donjon.
    Et comme le marquis était poète et charmant, il séduisit toute la population …. Mais fut quand même transféré au Puy et fusillé.

B/ La “Coalition d’Auvergne” était patronnée par le Comte d’Espinchal de Massiac.

Il avait été le fondateur d’un club parisien – le club monarchique – dont Cormier était le secrétaire (on se souvient : Cormier à Lady Atkyns : “Je crois pouvoir vous affirmer que le maître et sa propriété sont sauvés … “).
Il sera dissimulé pendant quelque temps par Madame d’Aspinac, parente du Marquis de Fenoyl. Madame et Monsieur d’Aspinac seront embastillés à Lyon.

C/ Laurent. Charles. Marie de Gayardon. marquis de Fenoyl. est le Seigneur de Tiranges, de Boisset et de Chaumont. A Paris, les Fenoyl possédaient un hôtel particulier dans l’île Saint-Louis.

Le père de Laurent avait cédé à l’oncle de Jean Baptiste Gomin, une maison qui communiquait avec l’hôtel de Fenoyl par un jardin. Après la nomination de Gomin au poste de gardien du Temple, Fenoyl lui succède dans la fonction de commandant du bataillon Fraternité. D’autre part, nous avons vu qu’il était très lié avec le Général La Poype. Le marquis de Fenoyl semble donc avoir été un acteur central de par ses relations, et ses fonctions.

Par ailleurs, en consultant une carte de la région nous voyons apparaître nombre de personnages ayant un rapport direct ou indirect avec le Temple.

  • Simon Toussaint-Charbonnier, natif de Craponne sur Arzon, est en Septembre 1792, avec le cordonnier Antoine Simon, responsable des travaux d’aménagement du Temple, effectués par Palloy. C’est lui qui est chargé de retirer au Roi prisonnier ses papiers, plumes et autres objets coupants. Quand il reviendra dans son pays, il exercera les métiers incompatibles de maître d’école et …. de cabaretier. Il a confié à l’Abbé Peyrard qu’il avait participé à l’enlèvement du Dauphin. Selon lui, l’enfant aurait été caché pendant deux ans vers Aspinac, puis emmené en Suisse.
  • Duplay, le menuisier qui hébergea Robespierre rue Saint Honoré, est natif de Saint-Didier-en-Velay. Lui aussi reviendra au pays. Il fabriquera et offrira une chaire en bois pour l’église de sa paroisse. Pour le plaisir de l’anecdote, Monsieur Étienne nous a expliqué que la famille Hachette descendait du menuisier Duplay.
  • Quant à Robespierre, on a dit qu’avant la révolution, il souhaitait être nommé précepteur du Dauphin. Il semble en effet s’être intéressé au sort du petit prisonnier du Temple ; en tous cas, il sera bel et bien accusé d’avoir voulu rétablir la Monarchie et même d’avoir imaginé épouser Madame Royale. De plus, la pension que sa sœur Charlotte percevra sa vie durant a intrigué plus d’un historien.
  • Le Marquis de Brige, grand père de Cambacérès, était originaire du Puy-en-Velay.
  • De même pour Le Doulcet de Pontecoulant qui sera chargé plus tard de surveiller Barras.
  • Le Baron de Batz meurt à Chadieu dans le Puy-de-Dôme.
  • Le Baron TARDIF est né à Saint-Amant-Roche-Savine. Il sera un partisan convaincu de la survivance. On a prétendu que son fils avait joué le rôle d’un substitué. Cependant, d’après les recherches de Monsieur Étienne, Claude Tardif n ‘a pas eu d’enfant légitime connu.
    Enfin, plusieurs faux dauphins se sont manifestés dans la région d’Auvergne. Citons :
  • Mollen de la Vernède à Saint Just près de Brioude.
  • Pierre Ravel à Monistrol.
  • Victor Persat à Ennezat.
  • Louis Mazel à Bonnac aux environs de Massiac.
  • Pierre Philippe Rocher à Bains dans la Haute Loire.
  • Jean Baptiste Faidis à Viverols : un des enfants de ce faux dauphin se mariera avec Monsieur VAUX. (?) qui était apparenté à Hardenberg par les femmes.
  • N’oublions pas Alexis Morin de Guérivière, faux dauphin malgré lui.
  • Et … Blaise CHOMETTE, peut-être pas si faux dauphin que cela.
    Depuis une cinquantaine d’années, de nouvelles familles se sont révélées, ainsi, récemment Edwige Caudie-Vincent : Selon le roman familial de cette dame, Louis XVII aurait vécu sous le nom de Amblard, au moulin de Ravel. C’est dire que le champ de la recherche n’en finit pas de s’élargir.

L’ENCRIER DU ROI

Monsieur le Marquis de Fenoyl avait réservé une délicate surprise aux voyageurs du Cercle, en apportant deux objets précieux que son ancêtre reçut en cadeau de Gomin.
Un encrier de voyage, minuscule (3 cm de haut), hermétique et utilitaire.
Un bougeoir en fil métallique qui repose sur trois branches pliantes fixées à sa base. Humbles et émouvants objets, dont le Roy de France s’est servi au Temple.

Chacun de nous a eu le privilège de les recevoir dans la paume de la main, avec précaution et recueillement. En cet instant précis, le passé et le futur, se confondirent avec le présent, hors du temps. Des images ont surgi de notre inconscient, furtives, légères, incertaines.

À LA RECHERCHE D’UN ERMITAGE ET D’UN SOUTERRAIN

Ensuite, nous allons vivre ensemble une véritable aventure.

Nous sommes en 1994, quelque part entre Chaumont, Boisset et Tiranges. Notre car s’est arrêté au milieu des champs, tant il est vrai que le chauffeur concilie admirablement prudence et intrépidité.
Ce récit est dédié à Madame Davy-Rousseau qui a su nous attendre avec autant de sagesse que de patience pendant tout cet après-midi là. Nous étions quand même un peu inquiets lorsque nous avons vu Monsieur Autruc avec ses bottes de chasse. Il nous avait bien un peu avertis la veille au soir au sujet des chaussures de ville, mais comment faire autrement ?

Au début, tout se passe bien. C’est une promenade champêtre. Après une première bifurcation, la voie royale devient sentier ; nous commençons à descendre lentement, en file indienne. Le sol est très inégal, avec des rochers, des racines et tout un bourdonnement de mouches. A la deuxième bifurcation, le sentier devient piste. Monsieur Autruc a noué un ruban de couleur à cet endroit envahi par des hautes fougères qu’il est venu faucher hier.

Nous avons pensé qu’il avait eu du mérite et du courage par un temps pareil ! D’un côté, c’est la montagne, de l’autre le ravin. Tout en bas, on aperçoit une rivière, l’Ance, et le barrage de Passouira. Tout est sauvage et boisé ; les ronces s’accrochent à nos pas. J’ai ramassé une petite pomme de pin pour le plaisir du souvenir. Nous avons marché ainsi pendant deux heures, sans nous apercevoir du temps qui passe, bien trop attentifs à suivre notre guide à tout prix et surtout à ne pas tomber. SURTOUT NE PAS TOMBER !

Et puis, la piste redevient sentier avec sur les bas côtés des terrassements en grosses pierres vertes de mousse. Laborieux travail des moines qui ont jadis vécu ici.
Enfin, voici la chapelle de l’Ermitage. L’accès est difficile, encombré de broussailles et de gravats.

Nous essayons de nous regrouper pour entendre les explications suivantes :
Le propriétaire actuel est coiffeur. Lorsqu’il a hérité de ce terrain, il a tout d’abord pensé créer un parc zoologique, sans doute pour réparer quelque part une vocation insatisfaite de vétérinaire.
Monsieur Étienne est venu ici avec lui en 1989.

Nous constatons que la toiture a été restaurée. Mais pourquoi donc avoir scié en leur milieu les poutres qui séparaient transversalement la chapelle à mi-hauteur ? Est-ce pour dissuader le visiteur téméraire?
L’ermitage avait été transformé en ferme, dans les derniers temps. On voit encore trois stalles pour les animaux.
Ses origines remontent au XVII° siècle.

Le premier solitaire de la congrégation s’appelait Frère Jean Jacques. Il prit le nom de Frère Jean Baptiste. Sa ressemblance avec Henri IV fit courrir le bruit qu’il était en réalité Antoine de Bourbon, Comte de Moret, fils naturel de Henri IV et de Madame de Breuil. Le Comte de Moret s’était refugié au Portugal, puis – peut-être – pourquoi pas- dans cet ermitage perdu, d’autant que le confesseur du roi, André Valladier était originaire des proches environs.

Le Roi Louis XIV, intrigué par ces rumeurs, aurait fait demander à l’ermite, s’il était vraiment le Comte de Moret, et le religieux aurait répondu : “Je ne le nie, ni ne l’affirme”. Cette anecdote est rapportée par l’Abbé Tellières, (?), membre de la Société académique de Puy en 1882.

La région a par ailleurs reçu d’autres exilés tels que la Belle Morphyse, maîtresse de Louis XV, près de Saillant et une maîtresse de Napoléon Ier à Craponne-sur-Arzon.
Il est des endroits décidément investis et “habités” …

Monsieur Autruc nous a ensuite emmenés encore plus loin, vers un ermitage encore plus ancien. C’est alors que la canne de l’un de nos voyageurs s’en enfoncée dans un trou et lui avec ! En plein dans un roncier qui l’a fort heureusement bloqué à environ 1.50 mètre en contre bas de la piste. Madame Autruc, Monsieur le Marquis de Fenoyl et notre président ont magnifiquement réussi une opération de sauvetage vraiment très très difficile.

Du premier Ermitage, il ne reste que quelques pierres, mais tout à côté, on voit l’entrée du souterrain qui le reliait à Tiranges, distant de plusieurs kilomètres.
Et c’est Monsieur AUTRUC qui l’a retrouvé.

Pour ma part, j’aurais fais le voyage rien que pour cela. C’était très impressionnant et je sais gré aux organisateurs d’avoir si bien anticipé nos attentes. Ojardias est-il passé par là avec le petit Roi ?
Ce n’est vraiment qu’une hypothèse et un vœu de notre part.

Ce souterrain cristallise nos sentiments de refus, de révolte devant l’injustice et la scandaleuse mort au Temple, mais aussi l’espoir, l’évasion et la liberté.

JOURNÉE DU 26 JUIN

La partie historique de notre voyage est maintenant terminée : le troisième jour sera essentiellement touristique.

UN MOT SUR AMBERT

Juste un mot sur Ambert avant de la quitter.
Ambert est une sous préfecture de 8000 habitants, surtout connue pour son fromage. On peut y voir encore des maisons à colombages des XIV° et XV° siècles, l’église Saint Jean Baptiste du XV° siècle au style flamboyant et renaissance et une curieuse mairie toute ronde qui rappelle la rotonde du Temple.

LE MOULIN RICHARD DE BAS

A cinq minutes d’Ambert, en direction de Saint-Etienne, nous avons visité le musée du papier au Moulin Richard de Bas.
Le logis de l’artisan papetier y est reconstitué dans les moindres détails : Décors, meubles, ustensiles, outils.

Nous nous sommes apitoyés sur le sort du jeune apprenti qui était enfermé la nuit dans un placard de la chambre de ses patrons, depuis l’âge de 7 ans jusqu’à ses 14 ans. De cette façon, il ne pouvait trahir certains secrets de fabrication.

Le papier est fabriqué à la main, sous l’œil du visiteur, feuille à feuille, comme au XVI° siècle, à partir de chiffons. On peut y incorporer des pétales de fleurs fraîches ou des végétaux qui gardent leurs couleurs après un séchage à l’air sur étendoirs.

Le musée retrace l’histoire du papier, depuis le papyrus, explique certaines techniques comme celle du filigrane et présente toutes sortes de curiosités comme le “plus petit livre du monde”.
Enfin, le touriste peut acheter l’article de son choix, du papier à lettre, napperon de fine dentelle, au romantique sachet de lavande.

DERNIERE ÉTAPE : LA CHAISE-DIEU

C’est la fin du voyage, déjà.

Nous arrivons à la Chaise-Dieu, à trente kilomètres au sud d’Ambert ; puisqu’il faut revenir à la civilisation, aux impératifs d’horaires, à la foule dans les rues etc. … Quelque groupe folklorique en sabots, danse … les notes d’un accordéon … Que nous a donc expliqué Monsieur Étienne ? ….. l’accordéon … Madame Giscard d’Estaing descend du mariage secret du Duc de Berry et d’Amy Brown. .. Chamalières … l’Auvergne …

Visite au pas de course d’une écrasante Abbaye du XIV° siècle : buffet d’orgues du XVII° siècle, 144 stalles sculptées, tapisseries du XVI° formant une immense fresque aux couleurs étonnamment conservées, une danse macabre à faire rêver Cécile Coutin.

Madame DEGIORGIS nous avait recommandé la “salle de l’écho”. La salle de l’écho permettait aux lépreux d’être entendus en confession. Une disposition architecturale particulière rendait audible la voix chuchotée à distance. Un abbé nous a encouragés à pousser une porte un peu coincée ; nous avons essayé et d’autres touristes après nous, mais je crois qu’elle était vraiment fermée à clef.

Nous avons déjeuné au restaurant de l’Abbaye. Le cadre est somptueux, presque solennel avec ses hautes chaises de style. Le menu était gastronomique, raffiné … et nous, enthousiastes comme des collégiens avec l’envie de discuter encore … à chacun sa théorie : La mort au Temple, Naundorff, la piste suisse, la piste auvergnate, Louis XVII etc. …

En consultant une brochure touristique, j’apprends que La Fayette est né à quelques kilomètres d’ici, au Château de Chavaniac en 1757. Tiens, je ne me souviens pas avoir entendu prononcer une seule fois son nom au cours de ce voyage !

Puis, nous nous sommes quittés, les uns en voiture, les autres en car, allant vers Paris, l’Aveyron, les Bouches-du-Rhône, Loiret, Puy-de-Dôme et Rhône, ravis de s’être revus ou de s’être connus.
Alors, Monsieur le Président, quand donc allons nous en Suisse ?

ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

Éric Muraise – Maurice Étienne
Les Treize portes du Temple et les six morts de Louis XVII
Édition de la Maisnie 1980

Philippe Conrad
L’Énigme du Roi perdu
Édition du May 1988

Historama Spécial n° 25
pages 75 à 82

Jacques Hamann
La Presse et Louis XVII
Tome I pages 110 à 114
Tome II pages 105 à 115 et 121 à 130
Tome III pages 65 à 131

Actes du Premier Colloque sur Louis XVII et son Mystère
pages 37 à 68

Chroniques de l’Histoire
n° 5 – novembre 1988
pages 26 à 94
n° 10 – avril 1989
pages 26 à 33

Jean-Claude Autruc
Promenades insolites aux limites Faurez- Velay-Auvergne.
Mesloube-La Bourgeat – 42550 Apinac.